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Le syndrome de la préparation excessive en JDR : J'en suis atteint...Et je vais vous aider à y échapper

Dernière mise à jour : il y a 15 heures



Je vais vous confesser mon péché mignon, ma plus grande fierté et mon pire défaut de Maître de Jeu : la sur préparation. Et ensuite, je vais passer le reste de cet article à vous convaincre de ne surtout jamais faire comme moi.

Illustration d'un personnage de JDR avec une torche face à des murs immenses entièrement recouverts de notes et de post-it colorés, symbolisant l'excès de préparation et la complexité du lore.


Moi, mes 100 pages de notes, et ma fierté mal placée (la confession)


Bon, autant crever l'abcès tout de suite, sans anesthésie. Je suis un sur préparateur. Un "over-prepper", comme diraient les Anglo-Saxons avec leur manie de tout nommer. Un de ces MJs qui a plus de notes pour sa prochaine séance que George R.R. Martin pour finir A Song of Ice and Fire. Et le pire dans tout ça ? J'adore ça.


Je ne parle pas de jeter quelques idées sur un post-it cinq minutes avant que les joueurs n'arrivent. Non, non. Je parle de la vraie, de la grande, de la glorieuse sur préparation. Celle qui frôle la pathologie, qui vous fait sacrifier des week-ends entiers sur l'autel du détail insignifiant que 99,9% de vos joueurs ignoreront superbement.


Pourquoi cette débauche d'énergie ? Parce que c'est bon, voilà pourquoi.

D'abord, il y a ce sentiment de contrôle quasi divin. Quand mes joueurs s'assoient à la table, je ne suis pas juste un arbitre. Je suis le Docteur Strange qui a déjà visionné les 14 000 605 futurs possibles de leur session. Ils pensent improviser un plan foireux ? Mignon. J'ai déjà écrit trois pages sur les conséquences de ce plan précis, incluant la réaction du cousin germain du garde qu'ils viennent de soudoyer. C'est grisant, ce pouvoir.


Ensuite, il y a la joie pure de l'architecte. Bâtir des cathédrales de Lore, des édifices narratifs d'une complexité absurde. J'ai déjà passé une soirée entière à concevoir le langage sifflé des hommes-lézards des marais saumâtres, avec une grammaire de base et un lexique d'une cinquantaine de mots. Évidemment, la seule interaction de mes joueurs avec cette tribu a été de leur lancer une Boule de Feu à vue avant même qu'ils puissent siffler "bonjour". Mais peu importe, ce langage existe dans mes notes, tangible et cohérent. Et c'est tout ce qui compte.


Enfin, il y a la stimulation intellectuelle. Préparer une partie, pour moi, c'est jouer une partie d'échecs contre des adversaires imprévisibles : mes joueurs. Anticiper leurs coups les plus tordus, leurs idées les plus stupides, et tisser une toile de conséquences si dense et si cohérente qu'ils auront l'impression d'évoluer dans un monde qui respire, qui réagit.

Cette masse de documents, ce wiki perso de 100 pages que je suis le seul à lire, c'est mon bébé difforme. C'est l'Effet IKEA sous stéroïdes. C'est une œuvre monumentale, magnifique, et parfaitement inutile. Et j'en suis fier.


Mais ce plaisir a un coût, et c'est là que le bât blesse. Il est temps de vous expliquer pourquoi ma méthode est un aller simple pour l'enfer du JDR pour 99% d'entre vous.



Mème 'Woman Yelling at a Cat' adapté au JDR. Légende : 'Moi et mes 100 pages de notes sur le lore de ma ville' face à 'Mes joueurs qui décident de tout brûler pour faire diversion'.



Le diagnostic : pourquoi ma méthode est un piège mortel (pour vous)


Bon, maintenant que je vous ai vendu mon petit paradis de maniaque du contrôle, il est temps de redevenir sérieux. Pour 99% des Maîtres de Jeu, cette voie de la sur préparation est un aller simple vers l’enfer du JDR. Ce qui marche (à peu près) pour moi est en réalité une anomalie. Voici pourquoi, point par point, les symptômes de cette maladie rôliste :


  • Le Burn-out du Créateur Divin. La voie la plus rapide vers l'épuisement, c'est de vouloir tout préparer dans les moindres détails. On a l'impression d'être productif, d'abattre un boulot colossal, mais la réalité, c'est que la moitié de cette énergie partira en fumée. Pourquoi ? Parce que, comme le dit le vieil adage que tout MJ apprend dans le sang : "Aucun plan ne survit au contact des joueurs." Vos intrigues complexes vont partir en vrille, et c'est normal. Le problème, c'est que si vous avez passé une nuit blanche sur du contenu qui finit à la poubelle, vous allez le sentir passer. Investir dix heures de prep' pour quatre heures de jeu, ce n'est pas durable, sauf si vous considérez le sommeil comme une option.


  • La Frustration de l'Artiste Incompris. Se lancer dans une préparation pharaonique, c'est prendre le risque de voir 80% de son travail ignoré par des joueurs qui, comme chacun sait, ont le talent de toujours prendre la direction la plus inattendue. Et ça, ça fait mal à l'ego. Vous aviez pondu un lore ultra-complet sur la cité à l'ouest ? Ils partent à l'est, sur un coup de tête. Vous avez décrit chaque salle du donjon ? Ils négocient avec le dragon pour éviter de se fatiguer. Sur le coup, votre petit cœur de créateur saigne en voyant ses "bébés" narratifs abandonnés sur le bord de la route.


  • Le Railroading Déguisé en "Cohérence". Voici le danger le plus insidieux. Après avoir passé des heures à tout préparer, la tentation est immense de forcer (subtilement, bien sûr) les joueurs à suivre le chemin que vous avez balisé. Juste pour "rentabiliser" votre travail. On se dit : "Quoi qu'ils fassent, il faut qu'ils aillent là, sinon tout s'écroule". Et voilà, votre magnifique bac à sable est devenu un couloir. Les joueurs ne sont pas idiots ; ils sentiront vite que leurs choix n'ont aucun impact réel et que vous les menez par le bout du nez. Vous finirez frustré qu'ils n'apprécient pas votre "belle histoire", et eux, frustrés de n'être que des marionnettes.




    Mème de Pablo Escobar qui attend, adapté à la frustration du Maître de Jeu (MJ). Légende : 'Moi, attendant que mes joueurs découvrent enfin la quête secondaire que j'ai préparée pendant 6 mois...


  • Le Tueur de Spontanéité. À trop vouloir tout planifier, on tue la magie. Le JDR n'est pas un roman qu'on écrit seul, c'est un happening collectif, une histoire qui se crée à la table. Si chaque événement est déjà gravé dans le marbre de vos notes, où est la place pour les idées folles des joueurs ? Où est la surprise, pour eux comme pour vous ? Les meilleurs moments de JDR naissent souvent de l'imprévu. J'ai vu un joueur infiltrer un spatioport gardé par la FDE et ses dizaines de mechas (bonne chance pour trouver le jeu) juste armé d'une clé à molette. Un outil qui, par une suite d'échecs critiques et de réussites spectaculaires pimentées par un système de jeu très cinématique, est devenue l'arme la plus redoutable de la partie. Cet objet anodin a transformé un simple pilote de vaisseau en un tueur de mécaniciens de sang-froid, et notre séance de JDR en une comédie d'action improbable ponctuée de fous rires. Ce genre de génie chaotique, ce pur moment d'or, ne peut tout simplement pas être scripté. En laissant des zones d'ombre dans votre préparation, vous laissez de l'air pour que ces instants magiques puissent exister.


  • Le Temps, cet Ennemi Mortel. Soyons honnêtes cinq minutes. Entre le boulot, la famille et cette vague obligation de maintenir une hygiène de vie correcte, qui a vraiment dix heures par semaine à cramer pour préparer une partie ? La sur préparation est un luxe. Votre mantra devrait être : "Si ça ne sera probablement pas utilisé à la prochaine session, ne passe pas de temps dessus." Concentrez-vous sur l'essentiel, sur ce qui a 90% de chances d'être joué. Mieux vaut deux heures de préparation ciblée qu'une nuit blanche à développer un lore que vos PJ ne verront jamais.


En somme, ma tendance à la sur-préparation relève de la déraison passionnée. Ça marche pour moi, mais je déconseille fortement de suivre mon exemple. Pour la plupart, ce serait un piège menant à l'épuisement et à des parties moins fun. Heureusement, il existe des antidotes...



La prescription : comment améliorer sa préparation JDR (ou l'art de la paresse intelligente)



Mème 'Galaxy Brain' comparant différents niveaux de préparation de JDR : scénario linéaire (petit cerveau), bac à sable, factions ennemies, jusqu'à la liste de rumeurs (cerveau cosmique).


Il est temps de vous proposer un plan de traitement. Rassurez-vous, je ne vais pas vous forcer à vous convertir à l'improvisation totale si ce n'est pas votre came. L'idée est de changer de philosophie : l'objectif n'est plus de tout prévoir, mais d'être prêt à tout. Il s'agit d'optimiser son temps en ne préparant que le matos utile et de laisser volontairement des blancs que vous comblerez à l'instinct. Voici quelques méthodes de feignasse intelligente pour y parvenir.



  • Pensez en "Nœuds", pas en "Chemin de Fer" (Node-Based Design)Arrêtez de concevoir votre scénario comme un roman linéaire (A puis B puis C). Pensez-le comme un réseau de "nœuds" : un lieu, un PNJ, un indice, un événement. Chaque nœud est une brique de Lego. Préparez 5 à 10 de ces briques, réfléchissez aux liens possibles entre elles, et laissez les joueurs tracer leur propre chemin. Ils peuvent décider d'aller du Nœud A au C, puis de revenir au B. C'est flexible, ça résiste à leurs plans les plus tordus, et surtout, ça tient sur une seule page. Fini, le scénario de 20 pages qui part à la poubelle parce que les joueurs n'ont pas parlé au "bon" PNJ au "bon" moment.


  • Préparez des "Situations", pas des "Scénarios" (l'esprit PbtA dans une bouteille)Ne préparez pas une histoire, préparez une poudrière. Plantez le décor, positionnez des factions avec des objectifs qui se rentrent dedans, et regardez ce qui se passe quand vos joueurs allument la mèche. Au lieu de planifier "les PJ vont sauver le prince puis affronter l'archimage", posez la situation : La Confrérie de l'Ombre a kidnappé le prince pour faire chanter le Roi, qui envoie ses Loyalistes en secret, tandis que la Guilde des Voleurs profite du chaos pour piller le château. Lâchez vos joueurs là-dedans. Le scénario ? Il s'écrira tout seul, dans le sang et les trahisons. C'est moins de boulot, et c'est bien plus robuste : le monde tourne sans vous, et les actions des joueurs ont un impact réel.


  • Mon "Kit de Survie Anti-Panique" (ou l'art de tricher à l'impro)L'improvisation pure fait peur, surtout aux control freaks de mon espèce. Mais on peut tricher. L'idée est d'avoir des listes génériques sous la main pour ne jamais être pris au dépourvu.

    • PNJ à la Demande : Fini les forgerons nommés "Bob". Ayez une liste de 10-15 noms qui claquent, avec un trait marquant et une motivation simple ("Garrick le borgne, veut juste sa paie", "Ysilde la Rouge, cherche à venger son frère"). Quand un PNJ imprévu apparaît, piochez dedans. L'immersion reste intacte, et vous avez l'air d'un génie.

    • Lieux d'Intérêt Soudain : Vos joueurs décident d'explorer une ruelle au pif ? Pas de souci. Dégainez votre liste de 10 lieux avec une description en une phrase : "Une boutique d'apothicaire qui sent l'ozone et le regret", "Une statue moussue qui semble vous suivre du regard". Ça meuble n'importe quel détour et maintient l'ambiance.

    • Secrets et Révélations à Saupoudrer : C'est mon arme secrète (et celle de Sly Flourish, rendons à César ce qui est à César). Préparez une dizaine de "secrets" ou d'événements sans leur assigner de lieu ou de PNJ précis ("Le seigneur local est un adorateur de démons", "Une ancienne magie se réveille sous la ville"). Quand le rythme baisse ou que les joueurs tournent en rond, vous en lâchez un. Via un PNJ, une lettre trouvée... C'est le meilleur moyen d'enrichir l'histoire et de vous sauver la mise quand vous séchez.


En adoptant ces méthodes, visez non pas mes 100 pages de notes, mais 3 ou 4 pages efficaces : une page pour vos nœuds/situations, une pour vos factions, et une ou deux pour vos listes d'impro. C'est tout. Avec ça, vous serez paradoxalement bien plus prêt à tout qu'avec un plan rigide. Et le bonus ? La préparation redevient un jeu. La paresse intelligente, en somme.


Mème des trois Spider-Man qui se pointent du doigt, adapté au JDR. Légende : 'Moi lisant les commentaires et voyant d'autres MJs décrire mes propres névroses de préparation'.

Conclusion : trouvez votre propre came, bande de grands malades


Alors, faut-il brûler ses notes, renier ses tableaux Excel et devenir un gourou de l'improvisation pure ? Non, bien sûr que non. Chaque MJ est différent. Certains sont des improvisateurs nés qui peuvent animer une session mémorable avec trois lignes sur un post-it. D’autres, comme moi, sont des architectes obsessionnels qui prennent plaisir à tout documenter. Et il y a la vaste majorité, qui cherche son point d’équilibre quelque part entre les deux.

La vérité, c'est qu'il n'y a pas de "bonne" ou de "mauvaise" méthode. Il y a la méthode qui vous épuise, et celle qui vous nourrit ; celle qui vous frustre, et celle qui vous excite ; celle qui transforme le JDR en corvée, et celle qui vous donne envie de retrouver vos joueurs chaque semaine avec une banane jusqu'aux oreilles.

Si, comme moi, la sur préparation est votre kiff, votre moment de méditation créative, et que vous avez la lucidité de ne pas vous laisser dévorer par elle, alors grand bien vous fasse. Continuez à bâtir vos cathédrales de Lore, vous êtes une espèce rare et précieuse. Mais si vous avez senti le poids du burn-out, la morsure de la frustration ou la rigidité d'un scénario trop écrit vous étouffer, alors il est peut-être temps d'alléger la voilure avec ces outils de "paresse intelligente".

L'objectif final, le seul qui vaille vraiment, c'est le plaisir du Maître de Jeu. Parce qu'un MJ qui s'amuse, c'est la garantie quasi certaine d'une table qui s'amuse. Il n’y a pas de médaille pour celui qui a écrit le plus de pages ; la seule récompense, c’est d’entendre vos joueurs dire à la fin : « Wow, c’était génial ! ».

Que vous soyez un sur préparateur pathologique, un improvisateur né qui débarque les mains dans les poches, ou quelque part entre les deux, l'important c'est de garder la flamme. Alors, trouvez votre méthode, votre drogue, votre came, et continuez à faire vivre des mondes, bande de grands malades.


Et vous, c'est quoi votre péché mignon de préparation ? Plutôt architecte ou pyromane ? Racontez vos névroses et vos astuces de survie en commentaires !


 
 
 

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